[Législatives 2024] Des ondes aux urnes : innovations radiophoniques et politisation des jeunes

Parfois j’écoute Hugo Décrypte (…), ça m’aide à comprendre les programmes et ça m’a sans doute influencé oui”. Clara n’est pas la seule jeune à avoir franchi la porte des bureaux de vote cette année. Podcasts immersifs, débats en direct, interventions de jeunes leaders d’opinion,… Comment la radio a pu réussir à capter ce public et comment l’a-t-elle poussé à agir ?

Diaporama — Présentation des formats radiophoniques innovants — Réalisé par Inès Bessoltane, Léna Cuq, Jade Amiel et Marie Baudens le 16.10.2024.

Au cours des législatives de juin dernier, un sujet crucial a fait vibrer les débats : comment encourager la participation des jeunes aux urnes ? Avec un taux d’abstention qui atteint des sommets chez cette tranche d’âge, il est temps de repenser l’approche actuelle. La bonne nouvelle, c’est que de plus en plus de jeunes s’intéressent à la politique, même si la route vers les bureaux de vote est encore semée d’embûches. La radio, qui va nous intéresser ici, se réinvente avec des formats interactifs, bien loin des émissions d’information poussiéreuses. Ces stratégies mettent les préoccupations des jeunes au premier plan et les incitent à se mêler au jeu démocratique. Pourquoi certains de ces nouveaux formats pourraient séduire les jeunes et auraient le pouvoir de les embarquer vers les urnes ? Pour le savoir, notre équipe tend le micro aux jeunes universitaires afin de recueillir des opinions sur ces supports radiophoniques modernes. Prêts à découvrir comment la radio peut devenir un véritable moteur de mobilisation ?

La radio en mutation

Illustration réalisée par Léa Balounaik le 14.10.2024.

Considérée à tort comme un « média de vieux », la radio a su s’adapter à l’ère numérique. Aujourd’hui, elle ne se limite plus seulement à l’audio : elle s’accompagne d’images et d’échanges directs avec l’auditeur, qui peut désormais voir ses animateurs favoris sur des plateformes comme YouTube ou Instagram. La radio a donc pris un virage numérique en investissant massivement les réseaux sociaux et en proposant des podcasts immersifs, des débats en direct, et des formats interactifs. A l’ère d’internet et des formats courts il est primordial d’intéresser et très rapidement.

À lire aussi : « Des ondes radio aux écrans et à l’audio : la nouvelle vague de l’info »

Infographie Médiamétrie publiée le 16.09.2020 — Les podcasts — Un format qui monte

Le format du podcast, en particulier, est devenu un outil privilégié pour toucher les jeunes. Des journalistes comme Hugo Travers, alias Hugo Décrypte, proposent des contenus politiques accessibles, dans des formats courts et dynamiques. Disponibles sur YouTube, TikTok, ou encore Instagram, ces podcasts expliquent des sujets complexes en quelques minutes, rendant la politique plus attrayante pour les jeunes (à voir : « Les actus du jour »).

Podcast Hugo Décrypte — Les programmes de chaque liste, expliqués. Juin 2024

Des journalistes comme Léa Salamé, animatrice sur France Inter, proposent aussi des débats captivants qui interpellent la jeunesse. Jean Massiet, sur Twitch, est un autre exemple de cette tendance. Grâce à ses lives politiques, il attire des milliers de jeunes spectateurs qui débattent en temps réel de l’actualité politique.

En s’appropriant les codes des jeunes, ces nouveaux acteurs médiatiques ont permis de vulgariser la politique, autrefois perçue comme trop complexe ou éloignée des préoccupations des jeunes. Ces nouveaux formats, où l’humour, la proximité et l’immédiateté priment, contribuent à rendre le débat politique plus accessible et surtout plus engageant. Cette intimité avec l’audience permet également de lutter contre la méfiance envers les médias traditionnels.

Dans ce podcast de Radio France, Jean Massiet nous parle de la relation des jeunes avec la politique et en particulier de la manière dont ces derniers consomment la politique, manière qui n’est plus en adéquation avec la vision bien trop conventionnelle que la génération précédente a connue.

Source : France Bleu — Jean Massiet : “Les jeunes adorent la politique mais ils en boudent les formes traditionnelles” — Juin 2023.

L’interactivité, clé de la mobilisation

L’enjeu pour la radio n’est plus seulement de diffuser de l’information, mais de créer de l’interaction. Avec une hausse de l’écoute active de 9 % cet été, notamment grâce aux élections législatives, les radios traditionnelles se développent sur les nouveaux formats avec des émissions spéciales afin de ne pas se laisser dépasser. Interviews, chroniques, débats contradictoires, analyses, décryptages avec les Français sont autant de pratiques innovantes que les radios ont mises en œuvre.

Ainsi, des chaînes comme Radio France ont su adapter leur programmation en veillant également à ce que leurs antennes soient complémentaires (article payant) : France Inter et France Info se concentrent sur l’analyse des programmes politiques, tandis que Mouv’ cible spécifiquement les jeunes en leur donnant la parole et en abordant des thèmes qui les concernent directement.

Des émissions comme Les Informés sur France Info sont devenues des rendez-vous incontournables, avec des interventions de jeunes invités, des échanges directs, et une liberté de ton qui rendent la politique plus vivante. En intégrant des formats où l’audience peut réagir en direct, lors de sessions de questions-réponses sur Instagram par exemple, la radio capte un public qui ne se sentait pas toujours écouté par les médias classiques.

Pendant les législatives, des podcasts thématiques, publiés quotidiennement, ont permis de présenter les programmes des candidats sous un angle simple et percutant, avec des formats courts allant d’une à cinq minutes. Ces émissions sont désormais complétées par des discussions sur les réseaux sociaux, où les jeunes auditeurs peuvent réagir et interagir en direct. On assiste donc à une évolution des formats et modes d’expression radiophoniques dans leur ensemble.

Podcast — L’Heure du monde — Législatives 2024 — Le macronisme va-t-il se désintégrer ? — 21.06.2024.

Réseaux sociaux : le nouvel espace politique

Les réseaux sociaux sont devenus incontournables pour informer les jeunes électeurs. Selon une étude de l’IFOP, les 18–24 ans privilégient largement ces plateformes pour s’informer sur les élections législatives.

YouTube, TikTok, Instagram, et Snapchat sont de véritables viviers d’opinions politiques, où même des influenceurs non-politiques n’hésitent plus à se positionner. Un exemple marquant est celui du youtubeur Squeezie, qui a publié une lettre ouverte sur Instagram contre le Rassemblement National. Ce type de prise de position, relayée par des millions de jeunes internautes, montre comment des personnalités de la culture numérique peuvent influencer le vote des jeunes.

À lire aussi : « Les influenceurs ont-ils permis d’éveiller une conscience politique chez certains jeunes ? »

Parallèlement, des politiciens comme Jordan Bardella, du Rassemblement National, adaptent leur communication en utilisant des vidéos courtes et impactantes sur TikTok, dans le but de séduire cette jeune génération d’électeurs en montrant sa « simplicité » (à lire aussi : ENQUÊTE. Élections européennes : comment Jordan Bardella drague la génération TikTok, article payant). Sandrine Rousseau sur Instagram ou encore Jean-Luc Mélenchon sur TikTok, prennent soin quant à eux d’adopter un ton plus direct et spontané pour parler aux jeunes.

M6 Info — Jordan Bardella — Un succès construit grâce à TikTok — 13.06.2024

Témoignages et paroles de jeunes auditeurs

Pour bien capter ce que les jeunes attendent vraiment de la radio, rien de mieux que d’aller leur poser directement la question ! Plusieurs étudiants ont partagé leur avis : certains trouvent la radio « old school », mais beaucoup reconnaissent qu’elle permet d’approfondir les sujets et d’écouter des débats sans le côté « désinformation » des réseaux sociaux. Pour d’autres, il suffit d’un peu de modernisation pour que ce média devienne encore plus attrayant.

Vidéo interviews micro-trottoir — Campus Capitole — Réalisée par Léna Cuq, Jade Amiel, Inès Bessoltane et Ryan Ancel le 27.10.2024.

Une participation électorale à stimuler

Avec un taux d’abstention record chez les jeunes lors des précédentes élections, la question de leur participation aux urnes était cruciale. En 2017, près de deux-tiers des 18–25 ans se sont abstenus lors des législatives. Mais, en 2024, le paysage a changé. La participation des jeunes a bondi de manière spectaculaire : 57 % des 18–25 ans ont voté cette année, contre seulement 31 % en 2022.

Infographie — Chiffres clés — Législatives 2024 — Réalisée par Gaëtan Bainville – FranceInfo

Comment expliquer ce revirement ? Bien que les jeunes ne boudent pas la politique, leur désintérêt pour les formes traditionnelles de communication, comme la télévision ou la presse écrite, les éloigne des urnes. Comme évoqué précédemment, ils privilégient des formats numériques plus engageants, et les médias, y compris la radio, l’ont bien compris.

Une nouvelle ère pour la mobilisation électorale

Le succès des législatives de 2024 auprès des jeunes montre bien que la clé de leur mobilisation réside dans l’innovation. Fini les formats figés et impersonnels des médias classiques. Podcasts, réseaux sociaux, et débats en direct sont autant de moyens de capter cette génération qui s’éloignait peu à peu des urnes.

La radio, en tant que média, joue un rôle essentiel dans cette transformation. En proposant des formats adaptés aux nouvelles habitudes de consommation de l’information, elle contribue à reconnecter les jeunes avec le processus démocratique.

Pensez-vous que ces nouveaux formats peuvent durablement réconcilier les jeunes avec les bureaux de vote ?

Sondage — Question sur le format consulté — Réalisé par Marie Baudens le 23.10.2024

Notre équipe

Montage de présentation des étudiants en M1 communication — Université Toulouse Capitole — Réalisé par Gaëtan Bainville